Le vélo, partenaire historique du féminisme
- Alexandre Jean
- 8 mars 2017
- 2 min de lecture
Mai 1897 : une centaine d’hommes manifestent leur mécontentement au coin des rues Trinity et Senate House à Cambridge, au Royaume-Uni. Il est, à l’époque, impensable d’accepter les femmes à l’université, comme quelques progressistes viennent de le proposer! Comme dans toute bonne manifestation, on y trouve des pancartes, des slogans et des effigies peu élogieuses. Mais à l’époque de l’Empire britannique, c’est vers l’effigie d’une femme à bicyclette, suspendue au bout d’une corde, que se porte le regard des hommes en colère.
Pourquoi la femme a-t-elle été représentée à vélo? Dès 1890, la production industrielle de bicyclettes disponibles à faible coût délivre la femme de sa dépendance à l’homme pour ses déplacements. Autrefois cantonnées à la maison et dépendantes de leur mari pour un billet de train (le moyen de locomotion dominant), les femmes purent dorénavant se déplacer librement d’un village à l’autre et apprécier le plaisir d’une randonnée hors de la ville, un loisir jusque-là restreint aux hommes. Plus qu’une simple nouveauté sur le marché, l’arrivée de la « petite reine » changea le paradigme de la société européenne et s’accompagna de nombreux changements parmi lesquels on trouve le rejet du corset en faveur du « rational dress », un habit plus ample, adapté à la pratique du vélo et certainement précurseur du pantalon pour la femme.
Les changements ne firent pas que des heureux, toutefois. Se déplacer à vélo attisait la grogne des braves gens, suscitant injures, insultes et parfois jets de pierre! Les médecins de l’époque allèrent même jusqu’à condamner la pratique du vélo pour la femme, craignant qu’elle endommage leur appareil reproducteur ou cause une « effervescence », une « surexcitation lubrique » et un « accès de folie sensuelle ». Malgré ces critiques mal avisées, la pratique de la bicyclette continua à gagner en popularité et aujourd’hui, on retrouve des bicyclettes garées au pied de l’édifice où se tint il y a 120 ans, une manifestation contre les femmes à bicyclette.
La lutte se poursuit aujourd’hui, et ce, partout à travers le monde. En Iran, au Yémen et en Afghanistan, lois et barrières culturelles empêchent encore les femmes d’enfourcher leurs bicyclettes, mais elles sont dénoncées par des groupes tels que My Stealthy Freedom, en Iran, par la jeune photographe yéménite Bushra al-Fusail et par l’équipe afghane de cyclisme féminin qui s’entraîne avant le lever du soleil. Saluons le courage de ces femmes qui, un coup de pédale à la fois, continuent la lutte pour l’égalité des hommes et des femmes!
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